Loisirs

Pourquoi la lecture se perd chez les jeunes et comment y remédier

La relation entre les jeunes et les livres traverse une période charnière. Alors que les écrans captent une part croissante de leur attention, les moments consacrés à la lecture se raréfient. Cette évolution inquiète les éducateurs et les parents, qui cherchent à comprendre les causes de ce phénomène et surtout à identifier des solutions concrètes pour renouer le fil entre la jeunesse et les pages imprimées.

Les raisons du déclin de la lecture chez la jeunesse

Une étude menée par le Centre National du Livre et Ipsos en avril 2024 auprès de 1500 jeunes Français âgés de 7 à 19 ans dévoile un constat sans appel : la lecture se perd chez les adolescents et préadolescents. Les chiffres sont révélateurs d'un décrochage progressif mais persistant. La proportion de jeunes lecteurs diminue sensiblement, particulièrement chez les 16-19 ans où un jeune sur trois déclare ne pas lire du tout. Pire encore, la durée moyenne de lecture s'établit à seulement 2 heures et 43 minutes par semaine, et elle se réduit davantage chez les garçons et les adolescents les plus âgés. Les 16-19 ans, par exemple, ne consacrent qu'1 heure et 25 minutes hebdomadaires à la lecture, tandis qu'ils passent 5 heures et 10 minutes quotidiennes sur les écrans.

Ce décrochage de la lecture commence souvent entre 10 et 12 ans, période qui coïncide avec l'acquisition du premier smartphone. À partir de là, la tendance s'amplifie : 35% des jeunes lecteurs estiment lire de moins en moins depuis leur entrée au collège. Par ailleurs, 84% des jeunes lisent principalement pour répondre à des exigences scolaires, académiques ou professionnelles, reléguant la lecture loisir au second plan. En moyenne, les jeunes accordent 19 minutes par jour à la lecture, soit dix fois moins que le temps qu'ils passent devant les écrans. Certains adolescents entre 16 et 19 ans passent même jusqu'à 10 heures sur les écrans hors lecture, ce qui laisse peu de place pour ouvrir un livre.

L'attraction des écrans et des divertissements numériques

Les écrans exercent une attraction quasi magnétique sur les jeunes générations. En moyenne, ils passent 3 heures et 11 minutes par jour devant des écrans, un chiffre qui grimpe à 5 heures et 10 minutes pour les 16-19 ans. Cette concurrence déloyale s'explique par la nature même des divertissements numériques : contenus rapides, interactifs et immédiatement gratifiants. Les réseaux sociaux comme TikTok, YouTube et Instagram occupent une place centrale dans le quotidien des jeunes, et 48% d'entre eux reconnaissent faire d'autres activités pendant qu'ils tentent de lire, comme envoyer des messages, regarder des vidéos ou consulter les réseaux sociaux.

Cette multi-activité permanente fragmente l'attention et rend difficile la concentration nécessaire à une lecture approfondie. Les jeunes sont devenus habitués à consommer des contenus courts et visuels, ce qui entre en contradiction avec l'effort d'attention qu'exige un livre. De plus, près de la moitié des jeunes ont déjà exploré la lecture numérique, principalement sur smartphone, et 42% ont écouté un livre audio, un chiffre en hausse significative par rapport à 2016. Si ces formats peuvent paraître prometteurs, ils ne remplacent pas l'expérience sensorielle du livre papier, essentielle au développement des capacités imaginatives et cognitives de l'enfant. Les experts recommandent d'ailleurs d'interdire l'accès aux écrans pour les enfants de moins de trois ans, car le livre papier offre une richesse tactile et visuelle irremplaçable.

Le manque de modèles de lecteurs dans l'environnement familial

Au-delà de la concurrence des écrans, l'environnement familial joue un rôle déterminant dans la transmission du goût pour la lecture. La famille reste un acteur central dans la recommandation de livres et dans la prescription de lectures, mais cette influence tend à s'affaiblir avec l'âge. Si les parents lisent peu ou pas du tout, les enfants peinent à percevoir la lecture comme une activité valorisante et agréable. Le modèle parental constitue une référence puissante : lorsque les adultes délaissent les livres au profit des écrans, les jeunes adoptent naturellement le même comportement.

Pourtant, la famille pourrait devenir un levier précieux pour redonner à la lecture sa place dans la vie quotidienne. Les moments partagés autour d'un livre, les discussions sur les histoires et les personnages, les visites en librairie ou en bibliothèque sont autant d'occasions de nourrir la curiosité et l'imaginaire des jeunes. L'enjeu est aussi de montrer que la lecture peut prendre des formes variées : bandes dessinées, mangas, romans graphiques ou encore dark romance, ce dernier genre émergeant fortement chez les 16-19 ans. Il s'agit de reconnaître la diversité des goûts et de ne pas limiter la lecture aux classiques imposés par l'école.

Dynamiser la lecture par des événements participatifs

Face à ce déclin, diverses initiatives visent à redonner à la lecture une dimension attractive et collective. Les événements participatifs constituent une voie prometteuse pour recréer du lien entre les jeunes et les livres. Ces moments partagés permettent de sortir la lecture de son cadre solitaire et parfois austère, pour en faire une expérience sociale, ludique et inspirante. Les clubs de lecture, les défis de lecture avec récompenses, les espaces de lecture confortables et accueillants contribuent à rendre la lecture amusante et engageante. Les bibliothèques, fréquentées mensuellement par 69% des jeunes, jouent un rôle clé dans cette dynamique.

Les achats de livres évoluent également : 45% des jeunes achètent des livres mensuellement, même si cette proportion baisse chez les 16-19 ans. Plus de la moitié des jeunes achètent des livres d'occasion, preuve qu'ils cherchent à accéder à la lecture de manière plus économique. Les achats en ligne dépassent désormais les ventes en magasins physiques, et les librairies connaissent un déclin, ce qui pose la question de la visibilité et de l'accessibilité des livres. Des dispositifs comme le pass Culture tentent de répondre à ces enjeux, tout comme le quart d'heure de lecture instauré dans certains établissements scolaires.

Organiser des séances de lecture à voix haute pour créer du lien

Les séances de lecture à voix haute représentent un outil puissant pour raviver l'intérêt des jeunes. En donnant vie aux textes par l'intonation, le rythme et l'émotion, ces moments permettent de redécouvrir le plaisir narratif et de créer une véritable connexion avec l'histoire. Organisées en classe, en bibliothèque ou même à domicile, ces séances transforment la lecture en spectacle vivant, accessible à tous, y compris aux jeunes qui peinent à se concentrer seuls sur un livre.

La lecture à voix haute favorise également l'échange et la discussion autour des récits. Les participants peuvent réagir, poser des questions, partager leurs impressions, ce qui enrichit l'expérience collective. Pour les plus jeunes, ces moments sont aussi l'occasion de développer leur écoute et leur imagination. Pour les adolescents, ils offrent un espace de parole et de réflexion sur les thèmes abordés, qu'il s'agisse d'amour, d'aventure, de science-fiction ou de société. En impliquant les parents et les familles dans ces lectures, on renforce la transmission intergénérationnelle et on fait de la lecture un véritable moment de partage familial.

Inviter des auteurs et illustrateurs pour des rencontres inspirantes

Rencontrer ceux qui créent les histoires constitue une expérience marquante pour les jeunes lecteurs. Les auteurs et illustrateurs incarnent la magie des mots et des images, et leur présence humanise le livre, le rend tangible et proche. Ces rencontres permettent de comprendre le processus de création, de poser des questions, de découvrir les coulisses de l'édition. Elles suscitent souvent des vocations et ravivent l'envie de lire, en montrant que les livres ne sont pas de simples objets scolaires, mais le fruit d'un travail passionné.

Ces événements peuvent prendre diverses formes : ateliers d'écriture, séances de dédicace, présentations interactives, discussions en petits groupes. Ils gagnent à être organisés dans des lieux variés : écoles, bibliothèques, librairies, centres culturels. L'essentiel est de créer une proximité, une émotion, un souvenir qui donnera envie de prolonger l'expérience en ouvrant d'autres livres. Par ailleurs, les réseaux sociaux jouent un rôle croissant dans la découverte littéraire : un tiers des lecteurs loisirs choisissent un livre après en avoir entendu parler sur Internet, et 10% sont influencés par des personnalités sur les réseaux sociaux. YouTube, TikTok et Instagram deviennent des plateformes de recommandations puissantes, où les influenceurs littéraires partagent leurs coups de cœur et suscitent l'intérêt.

Enfin, les adaptations audiovisuelles jouent également un rôle moteur : 66% des lecteurs loisirs ont envie de lire un livre après avoir visionné une série ou un film adapté de celui-ci. Utiliser ces ponts entre cinéma, télévision et littérature peut donc constituer une stratégie efficace pour ramener les jeunes vers la lecture. Mettre à disposition une variété de livres et de genres, promouvoir la lecture auprès des influenceurs et des personnalités publiques, proposer des supports numériques et interactifs, tout cela contribue à redonner à la lecture sa place légitime dans la vie des jeunes. La bataille n'est pas perdue, mais elle exige créativité, engagement et une mobilisation collective pour faire du livre un compagnon durable de la jeunesse.

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